Voilà, hier s'est achevé un parcours de près de 42 ans de travail. Un parcours un peu cahotique au début car je ne savais pas vraiment quoi faire à part quitter l'école pour de multiples raisons psychologico-sociales. Beaucoup me disent que ce n'est pas ce que j'ai fait de plus malin et ils ont sans doute raison mais il n'est plus temps d'avoir des regrets. Je considère les regrets comme une perte de temps.

Le métier qui m'aura permis de me réaliser à peu près, c'est l'imprimerie. J'avais découvert une première fois ce métier par l'intérim en 1972 mais c'est en 1977 après ma rencontre avec flo que je m'y suis fixé. Une petite entreprise du 8ème arrondissement de paris cherchait un massicotier (coupe du papier) en formation. J'y ai appris les bases de mon métier pendant 5 années. Puis en 1983, nous sommes partis en bretagne sans un sou mais avec une envie d'aventure et une maison quasi inhabitable et bien entendu un crédit à rembourser.

Le déclic fut la rencontre avec un directeur de coopérative issu de la mouvance verte et p.s.u. ayant débuté comme apprenti à la presse de la manche avant de grimper tous les échelons par des cours du soir et de week end. Ce type avait un projet qui m'intéressait et il m'inspirait confiance. J'étais le 10 ème salarié de la scop et nous l'avons menée jusqu'à 32. Les conflits sur le développement ayant atteints leur paroxysme, nous avons quitté la scop à 5 dont le directeur pour monter un projet industriel car nous sentions que l'avenir de ce métier passait par là. Après des débuts très compliqués pendant 6 ans et beaucoup de fatigue nous avons réussi à stabiliser l'entreprise et à la développer tout en tentant d'intéresser chacun à la vie du métier. Nous ne venions pas d'une scop pour rien.

Mon patron voyant son âge avancer à fait entrer son fils pour entamer la succession. Au début, tout allait bien puis sa prise en main totale a entrainé des désaccords assez profonds et j'ai décidé de revendre les quelques parts que je détenais afin de prendre mes distances tout en restant le responsable de l'atelier de façonnage (15 personnes). J'y resterai jusqu'en 2008. Les désaccords sur la gestion étant tels que j'ai préféré redevenir salarié de base jusqu'a hier. Bien m'en prit car 2 mois plus tard, la maladie de flo était découverte et je ne sais pas comment j'aurais pu faire.

Durant ce 22 années, j'ai eu l'occasion de former des gens sans qualification. certains sont aujourd'hui partis ailleurs et ont pris des responsabilités identiques aux miennes. Certains sont restés et pratiquent au quotidien un métier reconnu. Je dois avouer que j'ai une certaine fierté à le constater.

Mais cette semaine, j'ai eu deux fois l'occasion d'être très ému. une dame entrée chez nous  peu après sa sortie du lycée technique et que j'ai eu l'honneur d'accompagner un moment dans mon service et devenue 10 ans plus tard professeur dans ce même lycée est venue me saluer et me remercier pour tous les petits trucs transmis et qui lui servent aujourd'hui pour mener ses cours.

Un autre collègue qui nous suit depuis 22 ans est venu me dire les mêmes choses il y a 2 jours. A sa sortie du lycée, le proviseur nous avait dit qu'il n'y avait pas grand chose à espérer. Cest lui qui à mené l'informatisation de l'entreprise et qui aujourd'hui gère la totalité de l'activité avant les presses. Auparavant, il a passé un an avec moi pour connaître la finition avant de pratiquer le début.

Je dois avouer que l'ego est plutôt asticoté lorsque j'enrend ces mots. J'ai le sentiment d'avoir su transmettre des choses que l'on m'avait données. Je ne pense pas avoir perdu mon temps et je n'ai pas trahi mes idées. Je pense même qu'elles se sont renforcées au contact des réalités quotidiennes. Lorsque j'entend certains discours aujourd'hui sur l'individualisme et l'arrivisme à tous prix, j'ai vraiment le sentiment de ne pas vivre dans le même monde.

Et mon  monde à moi je vais continuer à le défendre bec et ongles aussi longtemps que j'aurai une once de force.